La commission des affaires sociale du Sénat a auditionné en téléconférence, le 8 avril, Marie-Anne Montchamp, la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et ancienne secrétaire d'État chargée des solidarités et de la cohésion sociale dans le gouvernement de François Fillon. La présidente de la CNSA a notamment fait le point sur la situation des Ehpad et, plus largement, sur celle des établissements et services sociaux et médicosociaux (ESMS).
Avant d'en venir à ces sujets, la présidente de la CNSA est sortie de sa réserve habituelle. Répondant à Bernard Bonne, sénateur (LR) de la Loire et rapporteur de la commission pour le secteur médicosocial, sur le projet de loi Grand Âge et autonomie, elle a en effet "regretté, à titre personnel, que nous ayons choisi de donner la priorité à une réforme des retraites très complexe, à l'impact budgétaire considérable, et qui a fragilisé socialement notre pays, au détriment de cette loi. Certes, soyons honnêtes, cela ne nous aurait pas permis de faire face à la crise, mais la sensibilité de notre pays à la situation des personnes âgées ou handicapées aurait été accrue, et les bons arbitrages en matière d'équipements auraient été pris plus rapidement". De façon plus large, Marie-Anne Montchamp estime "que certaines consignes nationales ne sont pas toujours appliquées assez rapidement. La distribution des masques par les officines, en particulier, était intenable, nos professionnels étant les derniers de la liste". En effet, "dans cette crise, le diable se loge dans les détails et le commandement centralisé, adapté pour les services de réanimation, l'est moins pour apporter une réponse à chaque personne, à domicile ou en établissement".
Dans ses réponses aux questions des membres de la commission, Marie-Anne Montchamp a souligné une situation "très contrastée, même si le gouvernement prend des dispositions sur le plan national" et a insisté sur la nécessité "de conserver une vision différenciée et une capacité d'anticipation".
De son côté, le conseil d'administration de la CNSA "a transformé son comité stratégique en cellule de crise [...], afin de pouvoir adopter les budgets rectificatifs nécessaires et approuver les comptes, mais aussi pour être à même de recevoir les informations qui nous viennent des établissements pour personnes handicapées ou pour personnes âgées, et des acteurs de l'aide à domicile". La Caisse a ainsi financé très rapidement un logiciel identifiant les aides à domicile disponibles au plus près des personnes qui en ont besoin.
Marie-Anne Montchamp a également souligné un phénomène jusqu'alors peu évoqué : la baisse des ressources de certains établissements médicosociaux. En effet, "les Ehpad, en particulier, voient leur dotation fondre en conséquence du nombre de décès qu'ils enregistrent - et ce n'est pas en ce moment qu'ils remplaceront les résidents défunts". Elle appelle donc à des "dispositions d'urgence". Comme dans les hôpitaux, les Ehpad sont également confrontés, dans certaines régions, à une dégradation de leur taux d'encadrement (normalement de l'ordre de 0,63 à 0,65), "puisque certains membres du personnel, par mesure de précaution, parce qu'ils étaient malades ou pour garder leurs enfants, restent chez eux, ce qui pose d'importants problèmes d'organisation, et épuise le personnel resté à son poste, d'un point de vue tant physique que psychologique".
La présidente de la CNSA estime en revanche que le fonctionnement avec les départements et les agences régionales de santé "est généralement efficace". Elle juge également que les tests ciblés dans les Ehpad, annoncés par Olivier Véran (voir notre article ci-dessous du 8 avril 2020), "sont une mesure de bon sens, qui évitera qu'on ne gaspille les tests. D'ailleurs, ceux-ci ne sont pas très confortables pour les personnes désorientées. S'il n'y a aucun cas positif, tester tous les résidents serait donc superfétatoire". En revanche, le test doit être systématique pour les personnels des établissements, en contact avec l'extérieur et donc susceptibles d'introduire le virus.
De son côté, le conseil d'administration prépare sa réunion du 23 avril, qui devra adopter le compte administratif pour 2019 et, surtout, élaborer le budget rectificatif pour 2020. Sur ce point, sa présidente regrette la "lourdeur terrible" des procédures budgétaires. Elle estime que "si nous reprenons notre petit train-train, nous allons fragiliser nos établissements".
Elle se dit également "pas tout à fait satisfaite de la façon dont les crédits sont en pratique ventilés [par les ARS, ndlr] : on constate une distorsion entre les préconisations du conseil et l'exécution budgétaire. La CNSA doit renforcer l'articulation entre son conseil et l'établissement public".
Enfin, sur l'aide à domicile, Marie-Anne Montchamp se dit très inquiète de la situation des services – c'était avant l'ordonnance du 16 avril 2020, qui doit améliorer la continuité du financement (voir notre article ci-dessous du même jour) – et appelle à "réfléchir, avec votre commission, à des procédures exceptionnelles, afin de faire de l'Helicopter Money [création de monnaie, distribuée directement aux citoyens ou aux institutions, ndlr], pour que des financements rapides, justes et contrôlables puissent parvenir aux structures qui en auront besoin : les Ehpad, qui seront en situation de sous-dotation en raison des décès, les secteurs du domicile...".
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