Menacé par les incendies, sécheresses et températures extrêmes, 15% du couvert forestier pourrait disparaître (ou être en dépérissement) dans les dix prochaines années. Les conditions climatiques prennent aussi de vitesse l’adaptation naturelle des forêts, et 38% des plantations ont été un échec en 2022. Les premières mesures d’adaptation n’ont commencé à être mises en œuvre que tardivement en 2021, et à un niveau jugé insuffisant par la Cour des comptes à l’échelle des dépérissements que connaît la forêt métropolitaine, d’autant qu’elles ratent en partie leur cible, souligne son rapport annuel. Ces investissements vont se poursuivre durant la prochaine décennie avec l’objectif de "planter un milliard d’arbres" (évalué à 150 millions d’euros par an) et le développement de moyens aériens et terrestres de lutte contre les incendies (près de 1,5 milliard d'euros). Selon la Cour, pour être efficace, l’investissement dans le renouvellement de la forêt doit pouvoir s’appuyer sur le développement de l’ingénierie et la capacité de maîtrise d’ouvrage des acteurs locaux. La rue Cambon encourage notamment les regroupements forestiers "pour une gestion plus efficiente", notamment en accompagnant la création de structures intercommunales de gestion forestière et en utilisant les chartes forestières pour y associer la forêt privée. Certaines communes forestières sont déjà "en grande difficulté financière" (entre 8 et 12% présentent un risque fort de dégradation de leurs comptes). Et les aides publiques restent limitées…Ainsi, les communes de Bourgogne-Franche-Comté ont bénéficié d’une aide de 300.000 euros quand leurs produits forestiers ont diminué de 20 millions d’euros par rapport à leur montant moyen.
Les outils d’aménagement et de planification doivent par ailleurs répondre aux enjeux actuels d’adaptation "à partir d’un suivi régulier de l’état des peuplements et affecter les moyens humains des opérateurs pour accompagner ce processus sur le terrain", plaide l’Institution. L’adaptation des politiques publiques de gestion de la forêt demeure en effet confrontée à l’obsolescence des documents de gestion forestière et à la surpopulation de cervidés. Assurer partout sur le territoire un équilibre sylvo-cynégétique permettrait, estime la Cour, de régénérer la forêt sans mise en œuvre de protections et donc de réaliser une économie comprise entre 225 et 375 millions d’euros. Le rapport propose de confier aux établissements publics nationaux la direction des opérations en la matière. Enfin, un effort pour combler le retard de déploiement des dispositifs de prévention est à produire dans les régions nouvellement exposées aux feux de forêt.
Des progrès sont nécessaires dans la connaissance du phénomène d’érosion, qui grignote 20% des côtes françaises, comme dans la formalisation et l’évaluation des actions à entreprendre pour s’y adapter dans un contexte d’aggravation par le changement climatique, souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel. Une montée en puissance du dispositif instauré par la loi Climat et Résilience de cartographies locales est en particulier indispensable pour que l’urbanisation de l’ensemble des zones menacées puisse être maîtrisée. Cela doit passer par "un diagnostic du risque opposable aux autorisations d’urbanisme et tenant compte de l’élévation prévisible du niveau de la mer imputable au changement climatique", relève le rapport. De même, la Cour attend que la prochaine stratégie nationale de gestion du trait de côte soit assortie d’objectifs et d’indicateurs permettant d’en suivre et évaluer la mise en œuvre. "Facultative, l’élaboration de stratégies territoriales et locales de gestion du trait de côte devrait être encouragée", plaide-t-elle également. A l’exception de la Nouvelle-Aquitaine, qui se distingue par son avance stratégique et dispose de la gouvernance la plus aboutie, le rapport pointe globalement une "appropriation locale insuffisante et hétérogène" des principes de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte créée en 2012.
Pour les magistrats, l’intégration de la gestion du trait de côte comme une composante obligatoire de la Gemapi constitue donc "une évolution nécessaire, gage de cohérence des interventions locales face aux risques littoraux". Une proposition à laquelle s’oppose catégoriquement l’Association des maires de France (AMF), afin d’éviter, indique-t-elle dans sa réponse à la Cour, en augmentant le champ de la taxe Gemapi, d’en faire la source exclusive de financement d’une politique relevant, pour les associations d’élus, de la solidarité nationale.
Les dépenses annuelles de l’État dans ce domaine ont certes augmenté de manière significative, passant de 14 millions d’euros en 2021 à 48,2 millions en 2023. Mais si les coûts futurs sont "fondamentalement incertains", ils vont indéniablement continuer à croître. Une réforme du dispositif de financement des actions de gestion publique du trait de côte "doit être étudiée rapidement", estime la Cour, qui suggère de mettre en place un fonds de solidarité côtière (alimenté par le produit d’une augmentation de la taxe communale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux) et comprenant un reste à charge pour chaque collectivité ou groupement littoral financé sur ses ressources, (notamment la taxe Gemapi éventuellement assortie d’un relèvement local de son plafond, et la taxe de séjour).
L’intensification du changement climatique confère une dimension majeure à l’organisation de la prévention dans les outre-mer, déjà particulièrement exposés. Celle-ci doit, selon la Cour des comptes, chercher à combiner la connaissance approfondie des phénomènes climatiques, le développement d’une culture du risque au sein de la population et une planification opérationnelle nourrie d’expériences, mise à jour constamment. L’actualisation périodique des documents de prévention "est primordiale", martèle le rapport, qui fait le constat de dispositifs de réponse aux catastrophes "inégalement formalisés ou aboutis selon les territoires". La prévention des catastrophes naturelles passe notamment "par une rationalisation de l’urbanisme, qui nécessite des décisions courageuses", à l’exemple de délocalisations, souligne-t-il. Or, les efforts de réduction des risques "pâtissent" de difficultés à mobiliser les habitants autour de la prévention et "d’une primauté de l’urgence", qui ne favorise pas l’adaptation. Ces décisions se trouvent en outre en concurrence avec celles portant des effets de plus court terme, comme le développement économique territorial.
Dépasser ces conflits d’arbitrage supposera, selon la Cour, "d’accentuer toujours plus la prise de conscience des effets du changement climatique et des risques afférents à tous les échelons de responsabilité". "Sans prise en compte systématique, les outre-mer s’exposent au risque d’adopter des stratégies préventives inadaptées, venant accroître leur vulnérabilité face à de futurs événements majeurs", alerte-t-elle. L’Institution préconise ainsi "d’affirmer, aux niveaux national et territorial, une fonction de pilotage stratégique chargée de mobiliser, de diffuser les connaissances liées au changement climatique et de développer les mesures de prévention, notamment en adaptant les documents de planification". Pour ce faire, le socle des connaissances fondamentales sur l’évolution du climat en outre-mer doit également être amélioré. L’éparpillement, la disponibilité limitée des financements et l'hétérogénéité de leur ciblage rend également la tâche ardue pour les collectivités, dont les capacités d’ingénierie sont inégales. La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna ne peuvent en outre mobiliser le fonds Barnier puisque le code de l’environnement ne prévoit pas expressément qu’il puisse être sollicité au profit de ces collectivités d’outre-mer. Le rapport prévoit à cet égard de définir, à l’initiative de ces collectivités, les conditions de mise en place et de financement d’un fonds de prévention des risques naturels.
En sait-on et en fait-on assez sur les conséquences des vagues de chaleur sur la santé des personnes les plus vulnérables ? On pense tout de suite aux personnes âgées, mais il y a aussi les personnes souffrant de maladies chroniques, personnes en situation de handicap, femmes enceintes, jeunes enfants… sans oublier les personnes sans abri. Pour la Cour des comptes, la réponse est clairement non. Certes, depuis la canicule de 2003 et son lot de décès, des mesures ont été prises : plans canicule, alertes météo spécifiques, registres communaux, salles rafraîchies dans les Ehpad… Mais "le risque sanitaire est toujours insuffisamment maîtrisé", alors même que l'on sait aujourd'hui que ces épisodes vont se multiplier sur pratiquement tout le territoire. Surtout en ville, la Cour rappelant que "les îlots de chaleur urbains peuvent majorer la température jusqu’à 8°C supplémentaires, faisant de Paris la ville qui présente le plus haut risque de mortalité parmi 854 villes européennes". Le rapport constate qu'au-delà des connaissances sur les risques de mortalité, on manque d'études sur la morbidité. Pourtant, on constate lors des pics de chaleur une hausse des recours aux urgences ou aux soins pour de nombreuses pathologies (santé rénale, urologie…). En tout cas, la Cour juge nécessaire de "renforcer l'action publique" dans ce domaine : évaluer rapidement "la capacité du parc immobilier hospitalier, social et médico-social à garantir la résilience", renforcer la communication auprès du public (entre autres en utilisant davantage le système d'alertes individualisé "Fr-Alert"), mettre rapidement en place les plans blancs (médecine de ville) et bleus (établissements et services médico-sociaux), multiplier les actions d'"aller-vers" pour les publics précaires, suspendre les évacuations de campements ou bidonvilles… Enfin, très concrètement, la Cour propose que l'inscription des personnes âgées et isolées sur le registre communal (aujourd'hui, moins de 10% des personnes concernées y sont inscrites) soit désormais systématique (on remplacerait l'accord pour y figurer par une possibilité de s’y opposer).
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