Au total, 16 départements et 3 métropoles se verront transférer un linéaire cumulé de près de 1.360 kilomètres du réseau routier national, tandis que les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie pourront se voir confier, à titre expérimental, la responsabilité de la gestion de près de 1.640 km d’autoroutes et routes nationales, dans des conditions prévues par convention avec l’État. C’est donc près de 25% du réseau routier national qui sera ainsi transféré ou mis à disposition, au terme du processus inscrit dans la loi 3DS (art. 38 et 40). Pour toutes ces collectivités, un décret d’application, paru ce 13 juin, vient préciser les modalités de calcul de la compensation financière - prévue par l'art.150 de la loi 3DS - dans la perspective des ces transferts ou mises à disposition. Il s’agit d’un "préalable nécessaire", insiste le ministère de la Transition écologique, sachant que les arrêtés préfectoraux de transfert devaient en théorie intervenir "d’ici le mois de mai" pour permettre un transfert effectif des routes identifiées "à compter du 1er janvier 2024".
Un premier décret en date du 29 décembre 2022 (n°2022-1709) avait d’ores et déjà brossé à grands traits les principes de cette compensation, en particulier les périodes de référence et l’indexation (selon l'indice des prix à la consommation hors tabac). Pour rappel, le calcul est réalisé sur le fondement de moyennes actualisées (indexation) des charges exposées par l’État sur une période de trois ans pour les dépenses de fonctionnement et de cinq ans pour celles d’investissement.
Le présent décret indique tout d’abord que les ressources à attribuer aux collectivités au titre de la compensation "sont équivalentes aux dépenses consacrées par l'État à l'exercice des compétences transférées pendant les périodes de référence [établies par le n°2022-1709]". La compensation est calculée "par application de ratios financiers" correspondant aux caractéristiques des voies transférées (ou mises à disposition) "appréciées au 31 décembre 2023". Pour le détail de la méthode, il faut ensuite se référer à l'annexe. Sur le volet fonctionnement l’assiette comprend ainsi les dépenses afférentes à l'entretien courant des chaussées, ouvrages, équipements et dépendances ; de l'immobilier technique ; l'exploitation et la viabilité hivernale ; l'éclairage et la ventilation des tunnels ; les études, inspections et contrôles de sécurité. Pour le volet investissement, la compensation couvre l'entretien préventif et la réhabilitation des chaussées ; l'entretien spécialisé et la réhabilitation des ouvrages d'art ; le renouvellement des équipements d'exploitation ; des matériels et de l'immobilier technique ; les aménagements de sécurité et environnementaux.
Autre élément de la méthode de calcul, la catégorisation des routes selon trois groupes : les axes supportant un trafic supérieur à 30.000 véhicules/jour (telles que autoroutes, routes à chaussées séparées aux abords des grandes agglomérations ou interurbaines et remplissant un rôle de desserte locale pendulaire) ; ceux supportant un trafic inférieur à 30.000 véhicules/jour (tels que les routes assurant une liaison longue distance) ; et les routes bidirectionnelles. Les ratios financiers sont définis pour chaque thématique listée en annexe (au nombre de sept : chaussées, ouvrages d’art, équipements, exploitation, etc.) selon les différentes catégories de voies. Pour chaque thématique, un ratio national annuel est ainsi calculé en faisant le rapport entre les dépenses (calculées et actualisées) pour l'ensemble du réseau routier national non concédé par le nombre d'unités d'œuvre des grandeurs physiques correspondantes (surface de la chaussée, du tablier des ouvrages, linéaire de routes et pour les tunnels, linéaire de tubes). Un complément est, le cas échéant, attribué "pour tenir compte de l'impact des conditions hivernales sur les chaussées, des protections de blocs sur les routes de montagne et des dépenses importantes en matière de gestion de trafic sur les voies très circulées".
Si le décret a recueilli un avis favorable de la commission consultative sur l'évaluation des charges, le 5 avril, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) s’est quant à lui montré plus réservé dans son avis du 6 avril. Le collège des élus alerte "sur le risque de coûts cachés pouvant entraîner des dérives budgétaires pour les collectivités territoriales à long terme" au regard de "l’état du réseau routier et des ouvrages d’art, notamment de leur degré de vétusté et de détérioration". Le ministère estime de son côté avoir joué la carte de la transparence sur l’état des infrastructures en délivrant aux collectivités, lors de la période d’expression des candidatures, "l’ensemble des informations nécessaires pour accompagner leur choix". Par ailleurs, la trajectoire croissante des dépenses de l’État sur son réseau routier et notamment les ouvrages d’art au cours de la dernière période donne lieu, selon lui, à un droit à compensation "plus élevé que celui qui avait été évalué à l’occasion des premières estimations réalisées au cours de l’été 2022".
Le CNEN exprime un autre regret concernant le traitement distinct des opérations inscrites aux contrats de plan État-Régions (CPER), et qui de ce fait ne sont pas intégrées dans le calcul du droit à compensation. Les opérations CPER "font l’objet d’une poursuite des investissements selon les modalités applicables avant le transfert", assure toutefois le ministère, précisant que "les CPER devraient être arrêtés à la date du transfert". En réalité, les négociations viennent à peine de commencer (voir notre article du 7 juin 2023)...
Référence : décret n° 2023-455 du 12 juin 2023 relatif aux modalités de calcul de compensation financière des transferts de compétences résultant des articles 38 et 40 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, JO du 13 juin 2023, texte n°7. |
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