Ce 13 février à l'occasion d'un déplacement au centre hospitalier d'Eaubonne (Val-d'Oise), Edouard Philippe, accompagné d'Agnès Buzyn, a présenté "la stratégie de transformation du système de santé". Ou plutôt, le Premier ministre a exposé la démarche qui aboutira à la finalisation de cette stratégie d'ici à l'été. Le gouvernement se donne en effet "trois mois pour réfléchir intensément" à la "transformation de l'ensemble [du] système de santé". Une méthode déjà utilisée pour l'élaboration de la stratégie nationale de santé 2018-2022, présentée le 20 décembre dernier et dont la ministre des Solidarités et de la Santé a récemment précisé le calendrier de mise en œuvre (voir nos articles ci-dessous du 12 février et du 4 janvier 2018).
Tout en reconnaissant les "efforts considérables" accomplis par les précédents gouvernements, "en particulier à l'hôpital", et "qui commencent à payer" - notamment en termes de réduction du déficit de l'assurance maladie -, Edouard Philippe entend lancer une réforme "globale, cohérente, méthodique" du système de santé. Entre mars et mai 2018, le gouvernement va ainsi mener une concertation à plusieurs niveaux : local (avec des "groupes de concertation territoriale" permettant de recueillir l'avis des acteurs de terrain), national (avec les différentes instances représentatives) et numérique, sans doute sous la forme d'un site de consultation dédié ouvert à tous les Français, comme ce fut le cas pour la stratégie nationale de santé. Le gouvernement a toutefois déjà défini cinq "grands chantiers", qui seront au cœur des réflexions ainsi engagées.
Le premier est celui de la qualité et de la pertinence des soins, avec pour objectif de réduire le nombre d'actes inutiles, qui représenteraient, selon Agnès Buzyn, jusqu'à 30% des dépenses de l'assurance maladie. Ce chantier passera par la mise en œuvre d'indicateurs de la qualité de parcours - que la ministre de la Santé a déjà commandé à la Haute Autorité de santé (HAS) pour les dix principales pathologies, en vue d'une systématisation en 2019 -, mais aussi par la prise en compte plus systématique de la satisfaction des patients et par la réalisation d'enquêtes auprès des personnels.
Le ministère et la HAS vont également saisir les ordres professionnels pour qu'ils proposent, d'ici à l'été 2018, des actions d'amélioration des pratiques et de la pertinence des soins.
Le second axe, qui est aussi le plus à risque, consiste à "repenser les modes de rémunération, de financement et de régulation". En attendant, le Premier ministre a été très clair : "Je ne vais pas faire comme si j'ignorais que nous publions les nouveaux tarifs hospitaliers dans deux semaines. Ils seront en baisse." Pour la suite, le Premier ministre a rejoint sa ministre de la Santé dans sa remise en cause de la tarification à l'activité (T2A). Il a toutefois précisé que "l'enjeu n'est pas de supprimer la tarification à l'activité, mais de la corriger, de la rééquilibrer". L'objectif est donc celui fixé par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle : avoir un maximum de 50% de tarification à l'activité à la fin du quinquennat.
Sur les 50% restants, une "task force" - animée par le directeur de la Drees (direction de la recherche, de l'évaluation, des études et des statistiques des ministères sociaux) - est donc chargée de proposer, d'ici à 2019, des "modèles de financement nouveaux, centrés sur les attentes et les intérêts des patients". Par ailleurs, le ministère formulera, "avant l'été", des propositions d'amélioration de la régulation de l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie, voté par le parlement) et plus particulièrement de l'Ondam "soins de ville".
Plus consensuel, le troisième chantier porte sur l'accélération du virage numérique. Il prévoit notamment trois "objectif stratégiques" : l'accessibilité en ligne, pour chaque patient, de l'ensemble de ses données médicales, la dématérialisation de l'intégralité des prescriptions, la simplification effective du partage de l'information entre tous les professionnels de santé (tenté depuis plusieurs années, mais sans succès probant, avec le dossier médical partagé).
Pour cela, une mission "e-santé", regroupant diverses instances aujourd'hui éparses, sera placée auprès de la ministre de la Santé. De même, ce troisième chantier prévoit que la télémédecine doit devenir "une activité soignante à part entière".
Le quatrième chantier consiste à adapter les formations et les ressources humaines aux enjeux du système de santé. Outre la mise en œuvre du "service sanitaire" dès cette année, le numérus clausus et la première année des études médicales seront "profondément réformés". Après une concertation associant les représentants des étudiants, des mesures législatives seront proposées "au début de 2019".
Il est également prévu de proposer aux agents de la fonction publique hospitalière, un "nouveau contrat social [...] en cohérence avec les orientations du comité interministériel de la transformation publique pour l'ensemble des fonctions publiques". Par ailleurs, un Observatoire national de la qualité de vie au travail des professionnels de santé sera chargé de dresser, avant la fin de l'année, un état des lieux en la matière et de formuler des propositions d'amélioration.
Enfin, le dernier chantier prévoit de "repenser l'organisation territoriale des soins". Il fixe d'ores et déjà des objectifs assez précis. Il est ainsi prévu de continuer à structurer les soins de ville - notamment à travers la mise en œuvre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) -, afin qu'à terme "l'exercice isolé devienne l'exception". Il est aussi prévu de continuer à "tisser des liens entre les soins de ville et l'hôpital, de lancer des expérimentations territoriales" (avec un appel à projets avant la fin de l'année pour expérimenter des modèles d'organisation "totalement nouveaux" sur trois à cinq territoire), ou encore de continuer à travailler sur la gradation des soins.
Edouard Philippe n'a pas non plus caché que les regroupements d'établissements seront "approfondis". Enfin, les tarifs hospitaliers intègreront, dès cette année, une forte incitation à la médecine ambulatoire. Pour tenir ces objectifs, une mission de simplification sera lancée au premier trimestre 2018, afin d'"alléger au maximum le carcan administratif qui entrave l'action et retarde l'innovation".
Dernière précision apportée par le Premier ministre : une enveloppe de 100 millions d'euros sera consacrée chaque année, hors Ondam, à l'accompagnement de cette transformation du système de santé.
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