En prélude à la Journée du transport public du 21 septembre 2011 et au moment du coup d'envoi de la Semaine européenne de la mobilité, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a présenté ce 16 septembre un florilège des "fausses bonnes idées" dans le secteur des transports. "Nous sommes tout à fait favorables à l'innovation, prévient Jean Sivardière, président de la Fnaut. Mais certaines innovations techniques ou politiques présentées comme des solutions miracles ne sont en pratique que de simples gadgets ou n'ont que des créneaux de pertinence très étroits. Elles engendrent des débats stériles, des pertes de temps et des gaspillages d'argent public et détournent l'attention des vrais questions de fond alors que bien souvent, des solutions pourraient être trouvées en s'inspirant de ce qui marche chez nos voisins européens."
Dans son catalogue de fausses bonnes idées, la Fnaut égratigne certains nouveaux modes de transport urbains. Le gyropode auto-équilibré Segway, par exemple : utile pour effectuer des déplacements dans des entrepôts ou des missions de surveillance, il apparaît inadapté à la ville. Pour la Fnaut, il ne s'agit que d'"un gadget encombrant pour touristes branchés", de surcroît dangereux pour les piétons et même pour ses utilisateurs - le patron de la firme Segway s'est tué en conduisant un tel engin. La Fnaut estime en revanche que le vélo pliable, le vélo à assistance électrique (VAE) et le vélo en libre-service sont très utiles car ils ont élargi le créneau de pertinence de la petite reine. La voiture électrique est jugée appropriée aux flottes urbaines captives (entreprises, administrations) mais pour Monsieur Tout-le-Monde, son coût élevé et son autonomie limitée ne peuvent que freiner son développement. En outre, en ville elle s'avère aussi encombrante qu'une voiture à moteur thermique et son bilan carbone est discutable si la recharge des batteries se fait aux heures de pointe et nécessite le recours aux centrales d'électricité thermiques. Le recours aux biocarburants de première génération est également jugé néfaste en raison d'un bilan carbone défavorable. Seuls ceux utilisant la biomasse peuvent se révéler prometteurs mais cette filière n'est pas encore au point. La Fnaut s'en prend aussi à la voiture en libre service du type Autolib' à Paris qui ne peut selon elle qu'encourager l'usage de la voiture. Il serait bien plus vertueux selon elle d'encourager l'autopartage traditionnel et le taxi.
Du côté des transports collectifs, elle dénonce le "fiasco cinglant" du tramway sur pneus conçu par Bombardier à Nancy et Caen, "véhicule hybride mal conçu, aussi coûteux que le tramway sur rails", de capacité trop limitée, "souvent en panne, incapable de fonctionner en tram-train". Clermont-Ferrand, ville de Michelin, a aussi opté pour le tram sur pneus conçu par Translohr. Mais aujourd'hui, le Syndicat mixte des transports clermontois est obligé de faire appel à la RATP "parce que les incidents, pannes, déraillements se multiplient sur la ligne", selon les propos de son vice-président cité par la Fnaut. Malgré ces difficultés, la même technologie a été choisie par la RATP pour équiper les lignes franciliennes Chatillon-Vélizy- Villacoublay et Saint-Denis-Sarcelles, déplore la Fnaut. L'association voit le tramway sur pneus comme une "invention inutile" qui aura surtout servi à retarder l'adoption des solutions fiables : tramway, trolleybus ou BHNS [bus à haut niveau de service, NDLR] suivant l'importance du trafic potentiel".
Autre "solution miracle", présentée comme une alternative au tramway car moins coûteuse : le téléphérique urbain. "Contrairement au tramway sur pneus, il a son créneau de pertinence : le franchissement des coupures urbaines (fleuves, autoroutes) et, comme le funiculaire, la liaison entre une ville haute et une ville basse, estime la Fnaut. Mais ce créneau est étroit (comme celui des navettes fluviales ou portuaires). Il n'est adapté qu'à des itinéraires rectilignes, et ses coûts en milieu urbain sont encore largement inconnus, sans parler des difficultés d'insertion et d'accessibilité aux usagers à mobilité réduite."
La fédération d'associations d'usagers pointe aussi certaines pratiques d'exploitation comme la montée par la porte avant des bus. Imposée sur certains réseaux pour lutter contre la fraude et les incivilités, elle aurait pour effet de réduire la vitesse commerciale des bus. "Aux arrêts très fréquentés, la montée est très lente car les usagers se bousculent à la porte avant et se répartissent difficilement dans le véhicule ; un usager occasionnel demandant un ticket au chauffeur ou ne sachant pas composter suffit à bloquer la montée, estime la Fnaut. Mal respectée, l'obligation n'est viable qu'aux heures creuses ou sur les lignes peu fréquentées. Pour réduire la fraude, il est plus efficace de faire des contrôles plus fréquents." La gratuité des transports urbains, instaurée aujourd'hui dans 14 réseaux en France (dont 10 dans des collectivités de moins de 40.000 habitants) ne lui paraît pas non plus pertinente. "Elle peut avoir des effets spectaculaires à court terme. Mais elle induit des déplacements inutiles, encourage l'étalement urbain et prive de ressources le système de transport au moment où la clientèle augmente et où les recettes fiscales des collectivités diminuent. Dès lors qu'une tarification sociale est offerte aux ménages à faibles revenus, la gratuité est une démarche perverse : ce qui intéresse en priorité les usagers actuels et potentiels, c'est la fréquence, la fiabilité, le confort, un meilleur maillage du territoire."
Enfin, la Fnaut s'en prend aussi à certains dispositifs de la politique de logement. La "maison à 100.000 euros" lancée en 2005 par Jean-Louis Borloo puis celle à "15 euros par jour” proposée en 2008 par Christine Boutin ont privilégié l'habitat individuel, forcément périurbain puisqu'il fallait minimiser le coût du terrain, dénonce l'association. "Il faut au contraire enrayer l'étalement urbain, source de trafic automobile polluant et énergivore, et le mitage de l'espace par l'habitat diffus, et densifier dans les zones déjà urbanisées et le long des axes lourds de transport collectif." Quant au prêt à taux zéro, il s'agit là encore pour la Fnaut d'une "aide perverse". "En subventionnant la demande de logements et non l'offre, on a provoqué une inflation des prix immobiliers et non une réduction du déficit de logements ; par cette inflation et en favorisant le neuf par rapport à l'ancien, on a renforcé la tendance à l'urbanisation diffuse." Et le PTZ +, désormais octroyé sans condition de ressources, va encore "renforcer la ségrégation sociale et le mitage périurbain", prévient la Fnaut, jugeant qu'"une aide accrue de l'Etat à la construction de logements sociaux serait plus efficace".
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