La valeur professionnelle des agents territoriaux est évaluée depuis 1959 sous la forme d'une note. Désormais, elle peut faire l'objet d'une évaluation au cours d'un entretien professionnel. Si la collectivité le décide. La loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels du 3 août 2009 a en effet créé, à l'initiative du sénateur François-Noël Buffet, une expérimentation de trois ans (entre 2010 et 2012) destinée à tester cette idée dans la fonction publique territoriale.
La notation est depuis longtemps critiquée, y compris par les syndicats, parce que les écarts de notes entre les agents, généralement minimes, ne permettent pas toujours une bonne évaluation. Toutefois, les syndicats restent en général attachés à ce système, notamment pour son caractère objectif. Avec l'entretien professionnel, ils redoutent, à l'instar de la CGT, une "accentuation de la gestion locale de la carrière, l'individualisation de la rémunération et du régime indemnitaire" et "le clientélisme et la partialité dans l'octroi des formations". Le gouvernement est, au contraire, très favorable à cet outil de management, y voyant le moyen de "faire progresser la notion d'objectifs dans la fonction publique", comme l'avait déclaré fin avril 2008 André Santini, secrétaire d'Etat à la Fonction publique, lors la première lecture au Sénat du projet de loi sur la mobilité.
L'article 15 du texte promulgué le 3 août 2009 a énoncé les grands principes sur lesquels se fonde la nouvelle démarche. L'entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct et donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. De plus, la commission administrative paritaire peut, à la demande de l'intéressé, en proposer la révision.
"Evaluer la manière de servir"
Le décret d'application de la loi, paru le 30 juin 2010 (voir ci-contre notre article du 2 juillet), a précisé que la délibération de la collectivité par laquelle celle-ci institue l'expérimentation de l'entretien professionnel "pourra porter sur la totalité des fonctionnaires ou sur certains cadres d'emplois ou certains emplois". Pour les personnes concernées, il n'existera plus qu'un mode d'évaluation, l'entretien. La notation aura donc disparu.
Une circulaire consacrée au sujet, du 6 août 2010, ajoute que "sont exclus du dispositif les fonctionnaires stagiaires, les agents non titulaires, et certains cadres d'emplois aux statuts particuliers dépourvus de système de notation".
Pour prévenir de trop grandes divergences dans les appréciations au sein d'une collectivité ou d'un établissement, le décret a précisé le déroulement de l'entretien et son contenu. L'entretien porte ainsi sur des thèmes prévus par le décret, mais d'autres thèmes peuvent aussi être abordés. Il s'agit notamment des résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire, compte tenu des objectifs fixés et des conditions d'organisation et de fonctionnement de son service, de ses objectifs pour l'année à venir et des perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, de sa manière de servir, des acquis de son expérience professionnelle, de ses éventuelles capacités à encadrer, de ses besoins de formation et de ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité.
Quand l'entretien fait peur...
Pour que les entretiens soient menés à bien, la circulaire précise que "chaque collectivité expérimentatrice doit se doter des documents supports à l'entretien et en particulier d'un document standard de compte rendu". Le cas échéant, il convient d'établir les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, après avis du CTP (comité technique paritaire). La collectivité devra également dresser une fiche de poste. Le document support et la fiche de poste seront joints à la convocation adressée à l'agent au minimum huit jours avant la date de l'entretien. Le fonctionnaire devra en particulier avoir renseigné au préalable la description de son poste. Son supérieur hiérarchique devra, lui, décliner les objectifs individuels à atteindre pour l'année N+1 au regard des objectifs généraux fixés au service dont il a la charge, et analyser les résultats du fonctionnaire portant sur l'année en cours.
L'entretien professionnel devient un document central de la politique de management et de ressources humaines de la collectivité. Le compte rendu de l'entretien est en particulier "un des outils de l'établissement des listes d'aptitude" permettant aux agents de prétendre à une promotion interne et à un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale. L'évaluation de la valeur professionnelle pourra aussi "se révéler utile pour apprécier les résultats d'un fonctionnaire soumis à un régime de prime type PFR prenant en compte les résultats".
Mais la démarche d'entretien ne va pas de soi. Selon Joël Piquionne, consultant, elle nourrit une certaine forme d'angoisse chez les agents. Ils peuvent se poser des questions : "Va-t-on m'apprécier ?", "va-t-on juger mon comportement ?", "quelles seront les règles du jeu ?"... Conscients de ces difficultés, les fonctionnaires de la direction générale des Collectivités locales préconisent dans la circulaire des "actions d'accompagnement". Les collectivités sont invitées à mettre en ligne l'ensemble des textes relatifs à la mise en oeuvre de l'expérimentation et à proposer "des formations adaptées tant aux fonctionnaires évalués qu'aux évaluateurs devant mener l'entretien".
Thomas Beurey / Projets publics
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