Imaginer le devenir des stations de ski, penser autrement les villes petites et moyennes, adapter les villages au changement climatique… les cinq lauréats de la première édition du Palmarès Palpite ont été annoncés le 11 avril 2024 par Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Dans la logique du plan France ruralités, ce palmarès, développé en partenariat avec le groupement d'intérêt public Europe des projets architecturaux et urbains, vise à valoriser les travaux d'étudiants qui s'engagent dans les ruralités. Il est développé avec le ministère de la Culture, le ministère de la Transition écologique, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), notamment en écho aux programmes Petites Villes de demain et Villages d'avenir lancés par le gouvernement, les associations d'élus (APVF, AMRF, AMF) et les associations étudiantes et les fédérations d'universités et écoles. Objectif : faire émerger des idées nouvelles pour ces villes et villages ruraux. Palpite s'adresse à l'ensemble de la communauté étudiante, quelle que soit la discipline. Il vise à constituer une base de données et un espace de dialogue pour les étudiants qui s'intéressent aux ruralités. Une plateforme accessible à tous est proposée pour consulter l'ensemble des projets.
104 dossiers ont été déposés dans toute la France pour cette première édition. Ils traitent de sujets variés : l'agriculture, l'agroforesterie et la souveraineté alimentaire (16), la gestion de l'eau (15), la culture et la valorisation du patrimoine local matériel et immatériel (14), le cadre de vie, la revitalisation et l'habitat, les coopérations territoriales et la planification, les mobilités douces… "Ces travaux font rayonner une certaine idée de la ruralité, qui se défait des préjugés, affirme Dominique Faure, dans un communiqué du 11 avril. Une ruralité innovante, créative, où il fait bon vivre, qui réinvente ses liens avec la biodiversité, qui s'adapte aux changements climatiques. Une ruralité, fer de lance de la transition écologique." La majorité des projets (80%) est réalisée par des étudiants qui suivent des études d'architecture, paysage, design. 19% des étudiants sont en études d'urbanisme, de géographie, sociologie, anthropologie et 1% en journalisme. 78% concernent des projets de fin d'études. Sur les 104 dossiers, 43 concernent des villes labellisées Petites Villes de demain, 6 Territoires d'industrie et 4 villes Action cœur de ville.
Parmi les cinq lauréats (voir encadré ci-dessous), un projet mené autour du petit village vendéen de Bouin, qui résiste aux assauts de la mer depuis 15 siècles. "La montée du niveau de la mer pourrait atteindre 2 mètres d'ici à 2100, 15 mètres en 2300 selon les pires scénarios, indique le projet. Le village de Bouin va donc subir des phénomènes climatiques de grande ampleur et de plus en plus récurrents, susceptibles de causer sinistres matériels et pertes humaines durant le siècle prochain." Le site pourrait être transformé en presqu'île puis en île avant, peut-être, d'être totalement submergé. Le projet de l'étudiant Paul Blotin (Ensa Clermont-Ferrand), Prix spécial "Adaptation au changement climatique", imagine des voies d'adaptation du marais face à ce risque de submersion marine. Il intègre des démarches de sensibilisation aux risques et aux enjeux du réchauffement climatique auprès des habitants et une démarche d'adaptation du territoire. Trois programmes sont ainsi prévus. Le premier, composé de logements et d'une auberge en centre-bourg, répond au manque d'habitations du village qui entraîne une décroissance démographique et un déclin côté école et commerces. Il permettrait de densifier le centre. Le projet prévoit aussi la mise en place d'une aire de pleine nature, pour développer une filière économique touristique aujourd'hui sous-développée. Il s'agirait de créer un point de passage dans l'itinéraire cyclotouristique européen existant. "On ne peut pas passer outre la réalité du territoire, avec le sujet du mal-logement, de la nécessité de densifier le centre, et de développer certains secteurs économiques, explique à Localtis Paul Blotin. C'était important d'aller sur site, de rencontrer les habitants, de connaître leur vie de tous les jours."
Troisième volet du projet : une grange fourragère, intégrant des logements d'urgence, qui se transformerait à terme en embarcadère pour préserver une liaison avec le continent. "L'évolutivité de l'usage est déjà prise en compte, détaille l'étudiant dans sa présentation. Le bâtiment est avant tout une grange fourragère et supporte le développement d'un élevage bovin qui est itinérant, donc résilient. Le bâtiment a vocation à être à terme une avancée sur l'eau, ce qui en fait un lieu parfait pour un embarcadère." Pour Paul Blotin, "le plus intéressant est l'étape de l'embarcadère, car avec la montée des eaux, la grange se retrouve les pieds dans l'eau et le bâtiment se transforme en embarcadère". L'étudiant, qui est maintenant diplômé et travaille en tant qu'architecte au sein de l'agence Topotek 1 à Berlin, estime qu'il y a maintenant une base de données sur laquelle les habitants et les acteurs locaux vont pouvoir échanger.
Un autre projet lauréat, focalisé sur le village d'Irancy, situé en Bourgogne dans le département de l'Yonne, propose de réinvestir un réseau de maisons vacantes. Le village de 400 habitants, entouré de vignes, s'est construit autour du secteur du vin mais les maisons vigneronnes du village, datant du XVIe siècle, "sont restées figées dans des usages d'un mode de vie passé", détaille l'étudiante Elena Cadouin (Ensa Paris Val-de-Seine), qui a travaillé sur le sujet et gagné le Prix du public. Ces maisons sont inadaptées aux usages actuels. Conséquence : le village souffre d'un taux de logements vacants élevé (20%). Sur les 300 maisons du village, 45 sont en effet vacantes.
Le projet propose de réinvestir sept de ces maisons, à partir d'une réhabilitation légère et d'une démolition/reconstruction. "Transformées, cinq de ces maisons viennent former un réseau de micro-équipements (crèche solidaire, maison d'entraide, bistrot, épicerie, micro-centre de soin, micro-halle), détaille le projet. Les deux autres sont des exemples d'habitations réhabilitées afin d'y intégrer des usages contemporains."
Les lauréats reçoivent des récompenses financières : 2.500 euros pour le Grand Prix du jury, 1.000 euros pour les Prix spéciaux, le Prix d'honneur, attribué par la marraine de l'édition 2023, Dorothée Barba, productrice de l'émission Carnets de campagne sur France Inter, et le Prix du public. Ils bénéficient aussi d'une mise en valeur à travers exposition, publication et diffusion sur les réseaux sociaux. "Plusieurs travaux pourront être accompagnés par l'octroi d'une ou plusieurs bourses doctorales afin de poursuivre les recherches amorcées dans le cadre d'un mémoire, ou par le financement d'un prototype", détaille le dossier de présentation.
"Les paysages de l’après-ski. Quel devenir pour la station de ski de Ventron ? ", Camille Oppé, Marie Dziechciarz, Ensa Nancy (Projet de fin d’études) – Grand Prix "Les pierres d’Irancy. Architecture palliative pour territoire menacé", Elena Cadouin, Ensa Paris Val-de-Seine (Projet de fin d’études) – Prix du public "L’eau et ses usages dans le Périgord Nontronnais. Circulations des savoirs et gestion collective", Clara Soleihavoup, Ensad (Projet de fin d’études) - Prix de la marraine, Dorothée Barba, productrice des Carnets de campagne sur France Inter "Les pieds dans l’eau. Architecture palliative pour territoire menacé", Paul Blotin, Ensa Clermont-Ferrand (Projet de fin d’études) - Prix spécial "Adaptation au changement climatique" "Des vulnérabilités aux stratégies d'adaptation. Penser autrement les villes petites et moyennes", Mathilde Cassagne, Camille Duhamel, Inès Filloneau, Gabriel Poulain, Sarah Verdun, Université Paris 1 (Atelier professionnel) - Prix spécial "Nouvelle approche" |
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