Les collectivités territoriales ne baisseront pas la garde, tant les garanties offertes par la Commission européenne ne semblent pas suffire. Les services publics tels que la gestion de l'eau, la justice ou la police sont exclus de l'accord commercial négocié entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Mais des doutes pèsent toujours sur le reste des services publics.
"La question du périmètre d'exclusion de ces services reste ouverte et appelle à la vigilance", relève l'Association française des communes et régions d'Europe (Afccre) qui s'inquiète du sort réservé aux services alliant financements publics et privés. Pour l'association, le système des listes négatives, qui retire de l'accord uniquement les services explicitement cités, est trop "ambigu". L'Afccre demande la mise en place d'une liste positive afin que la liberté d'administration ne soit pas "remise en question par l'ouverture de certains secteurs qui seraient intégrés aux accords en cours de négociation".
Dans un souci de réciprocité, le texte de l'accord transatlantique prévoit une clause dite "du traitement national". Ainsi, les différents prestataires de services publics inclus dans l'accord seront traités de la même manière par les Etats. En réalité, cette clause se heurte à une protection très variable. Le Small Business Act, adopté par Washington en 1953, réserve entre 23% et 40% de la commande publique aux PME américaines. A ce titre, le Comité des régions rappelle que "85% des marchés publics passés au sein de l'Union européenne sont déjà accessibles aux soumissionnaires américains, contre 32% seulement des marchés publics américains qui sont accessibles aux soumissionnaires de l'UE".
Si les collectivités territoriales françaises ne sont pas convaincues de l'efficacité de cette clause, elles s'opposent aussi fermement à celles dites du "statu quo" et du "cliquet" qui remettent en cause, selon elles, la libre administration des collectivités. "Les clauses posent des problèmes sur le mode de gestion des services publics locaux", s'inquiète l'Afccre.
La clause "statu quo" fixe définitivement l'ampleur de la libéralisation des secteurs. En clair, si les collectivités confient la gestion d'un service public à un prestataire privé, elles redoutent que ce choix soit irréversible, excluant donc le retour à une gestion en régie. La clause "cliquet" pousse la logique encore plus loin. Si elle inquiète tant, c'est parce qu'elle induit une extension des secteurs à libéraliser. Le Comité des régions appelle à son retrait pur et simple.
Pour les collectivités, la menace qui plane sur le principe de libre administration des services publics vient aussi de l'introduction de tribunaux d'arbitrage dans l'accord transatlantique. Les investisseurs privés pourront-ils contester les règles adoptées par les autorités nationales devant un autre juge que celui de droit commun ? C'est bien ce qu'appréhende l'Afccre qui se joint ainsi aux critiques déjà formulées par les gouvernements français et allemands. Les mesures politiques et administratives ne devraient pas être "remises en cause par des tribunaux d'arbitrages" car elles bénéficient "d'une légitimité démocratique", renchérit le Comité des régions.
Face au désaccord général, le Parlement européen a décidé, le 9 juin, de reporter le vote sur un rapport consacré au traité transatlantique. Le sujet reviendra sur la table des eurodéputés de la commission du commerce international, le 29 juin, lorsqu'ils se pencheront, à l'occasion d'une réunion extraordinaire, sur les 116 amendements déposés. Pour calmer les tensions, Bruxelles envisage quelques ajustements, sans pour autant abandonner les tribunaux d'arbitrage. La qualification et le parcours des responsables seraient visés par l'UE et les Etats-Unis, qui s'entendraient sur une liste d'arbitres indépendants. Un système d'appel bilatéral des décisions pourrait aussi être mis en place. Reste à savoir si cela suffirait à lever les griefs pointés par les collectivités locales.
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