quels agents placer en premire ligne ?


"Consciente que les agents doivent être les premiers relais de la démarche COP auprès des acteurs du territoire" dans laquelle elle venait de s’engager, la région Centre-Val de Loire a fait serment, début 2021, "d’accompagner et de former les agents aux activités ou postes en lien avec les ambitions de la COP". "Il n’était pas envisageable de travailler en même temps sur les 250 métiers de la fonction publique territoriale – 235 exercés dans la région", concède Laure-Émilie Angevin, directrice de la mission Transformation climatique et écologique au sein de la collectivité. Restait toutefois à définir les métiers constituant l’"avant-garde" dans ce combat contre le réchauffement climatique et ses effets, plus précisément ceux "à plus fort impact, du fait des caractéristiques de leurs missions mais aussi de la masse" (entendre, le nombre de titulaires). 

Consortium région – CNFPT - Ademe

Pour y parvenir, la région s’est rapprochée du CNFPT et de l’Ademe, et tous trois décidèrent de faire aventure commune, avec l’ambition pour ces derniers de dupliquer la recette dans les autres régions — ou branches de la fonction publique — une fois qu'elle aura été élaborée. Une tâche que conduisent les trois institutions depuis plusieurs mois désormais, dans le cadre d’un programme ITEEnéraire qu’ont depuis rejoint 13, et bientôt 15 autres collectivités de la région. "Un projet sur 3 ans, de 7,5 millions d’euros, qui bénéficie de l’appui de France 2030 et de la Banque des Territoires", précise Philippe Oursin, directeur régional du CNFPT. Après les DGS de ces différentes collectivités le 7 février dernier, c’était au tour d’une petite centaine d’agents de déterminer ce 18 mars ces métiers "aux manettes de la transition écologique et énergétique". Avec l’ambition affichée "d’ouvrir des perspectives", de "sortir du cadre"… et l’espoir avoué "d’éviter d’avoir pour seules propositions les métiers des direction environnement et espaces verts". "Il faut arrêter de faire peser la cape de superhéros de la transition écologique et énergétique (TEE) sur les épaules de ce seul service", exhorte Laure-Émilie Angevin.

16 métiers "aux manettes de la transition écologique et énergétique"

Pour conjurer ce risque, les organisateurs avaient pris le soin de faire intervenir en préambule une spécialiste du travail social, le directeur des services opérationnels du Sdis du Loiret, la responsable du pôle Réduction des déchets d’Orléans-Métropole et le directeur Ressources et moyens de la communauté d’agglomération Ventoux – Contat Venaissin pour montrer combien changement climatique et transition écologique sont l’affaire de tous. Non sans succès, à en juger par les 16 métiers finalement retenus à la fin de la journée : animateur éducatif et accompagnement périscolaire ou Atsem ; architecte ; chargé de communication ; chargé de projet d’infrastructures et d’équipements ; chargé de mission agriculture / de mission économie agricole et agroalimentaire ; chef de projet politique de la ville ; conducteur de travaux immobiliers / chargé d’offre de construction ; conseiller en organisation du travail et conduite du changement ; directeur de projet SI ou numérique ; responsable de la maîtrise des risques ; responsable de production culinaire ; responsable des transports et déplacements ; responsable bâtiment ; responsable de l’habitat et du logement ; travailleur social ; secrétaire général de mairie.

Des compétences plus que des métiers

Sans grande surprise, on ne retrouve dans cette liste nulle trace de climadaptateur, de chargé de récit, de despécialisateur de surfaces, de chronoburelier, de chronotopeur ou autre nichiculteur de sobriété qu’avait préalablement présentés Philippe Méjean, directeur de l’institut Negawatt, également invité à faire part de son expertise. Avouons que s’il avait commencé par évoquer l’émergence (espérée) de ces nouveaux métiers, il a surtout insisté sur la nécessité de faire plutôt sourdre de "nouvelles compétences, de nouvelles postures, de nouveaux modes de faire collectifs", en invitant ainsi tous les participants à devenir "robusteur". "La nature n’est pas performante, mais robuste. C’est la non-technicité, la non-optimisation qui permet de s’adapter, qui assure la viabilité dans un monde instable et en pénurie de ressources", assure-t-il, louant "l’adaptabilité" — "une capacité" — plutôt que "l’adaptation". Une nécessité "d’articuler le précis et le général" que vante par ailleurs, parmi d’autres, l’économiste Nicolas Bouzou. 

Se défier de la tour d’ivoire et du silo

Faire de la transition une affaire de spécialistes confinés dans leur tour d’ivoire constitue donc un premier écueil à éviter. Pour être réellement efficace, la budgétisation verte, par exemple, doit innerver l’ensemble des services, comme nous l’indiquait le président du conseil départemental de la Mayenne (voir notre article du 8 décembre 2021), et non être confiée à un seul "eurodécarboneur" qui travaillerait seul dans son coin. Ici comme ailleurs, il faut se garder de travailler "en silo", met-on en garde. Pour Thomas Gaudin, coordinateur de la feuille de route Emploi à l’Ademe, venu vanter les mérites de deux nouveaux métiers — "l’animateur de dialogue emploi-écologie, l’un côté écologie, l’autre côté CEQMCT" (traduire chômage, emploi, qualifications, métiers, compétences, travail) —, "si chacun doit rester dans son couloir, il est important que les deux gardent toujours un œil sur le couloir de l’autre". Philippe Méjean insiste plus encore sur la nécessité d’"organiser la transversalité entre les services et les directions".

Savoir, mais aussi pouvoir et vouloir agir

Autre chausse-trappe à contourner, croire que le savoir suffit.  Au-delà de la formation – la "technicité du geste" —, Philippe Méjean insiste sur la nécessité de s’assurer également "que le geste peut être fait, et qu’on a envie de le faire". "Le triptyque 'savoir agir, pouvoir agir et vouloir agir' du chercheur Guy Le Boterf", décrypte Stéphane Haye, responsable de l’antenne de Loir-et-Cher du CNFPT, l’un des chefs d’orchestre qui sera chargé de mettre en musique le dispositif une fois la partition arrêtée. "Le besoin de changement doit être compris, il faut que la réponse soit à la mesure du problème, il faut une équité dans les modalités de la réponse et une exemplarité", enseigne encore le dirigeant de Négawatt.

Le mieux, ennemi du bien

Autre menace qu’il convient selon lui de conjurer, le militantisme, qui rebute davantage qu’il ne convainc. "Tirer sur l’herbe ne la fait pas pousser !", alerte l’expert, instruit par l’expérience. "Il est normal que tout le monde ne soit pas d’emblée emballé", rassure-t-il, en soulignant la nécessité "d’accompagner" les réticents ou les indifférents au risque, à défaut, de "les perdre ou de les faire entrer en résistance. Attention aux locomotives trop rapides et aux wagons qui décrochent !", prévient-il. Et d’insister sur la primauté de l’écoute sur le plaidoyer pour desserrer les freins : "Vous ne pouvez pas embarquer les gens si vous ne les écoutez pas." À contre-courant de certains discours, il met également en exergue le besoin "pour gérer les urgences écologiques, de prendre le temps de les traiter". Il plaide de même "pour ne pas hésiter à faire des étapes", ou encore "à explorer différentes voies, à intégrer le risque de se tromper, qu’il faut voir comme une opportunité pour le collectif". "On vit quelque chose d’absolument nouveau !", souligne-t-il, en concédant que "cela peut être anxiogène, mais aussi passionnant".

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