le Snat adopte sa proposition de loi retouche


Le Sénat a adopté en première lecture dans la nuit du 16 au 17 mars la proposition de loi "visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de 'zéro artificialisation nette ' (ZAN) au cœur des territoires", portée par Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse - LR) et Valérie Létard (Union centriste - Nord) et issue d'une mission transpartisane de la chambre haute. Après avoir apporté plusieurs correctifs aux premiers articles du texte lors de la première séance d'examen du texte, ce 14 mars (voir notre article), notamment pour préciser que la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation est l'incarnation "organique" de la volonté de territorialiser la mise en œuvre du principe de ZAN (article 3) et pour inclure les projets d’intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne parmi les grands projets, pour que leur impact en termes d’artificialisation ne soit pas imputé à la collectivité territoriale qui les accueille (article 4), les sénateurs ont adopté, lors de cette dernière séance d'examen des articles 26 amendements, dont certains rédactionnels ou de simple coordination.
À l'article 5, qui vise à faciliter la mutualisation de projets d'ampleur régionale, en prévoyant notamment un "droit de proposition" pour les communes et EPCI, Ronan Dantec (Loire-Atlantique - Groupe écologiste) a proposé une extension de ce dispositif au schéma directeur de la région d'Île-de-France (Sdrif), au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) et aux schémas d'aménagement régionaux (SAR) dans les outre-mer. Pour ne pas "emboliser" une procédure jugée lourde, Christian Redon-Sarrazy (Haute-Vienne - Socialiste, écologiste et républicain) a obtenu la suppression de la délibération motivée du conseil régional tout en maintenant l'information des collectivités ayant formulé une proposition de qualification de projets d'ampleur régionale.

"Garantie rurale" : le désaccord persiste avec le gouvernement

L'article 7, qui vise à garantir à chaque commune une "surface minimale de développement communale" d'un hectare, a donné lieu à un nouveau bras de fer avec le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Celui-ci a défendu en vain un amendement pour que ce système de "garantie rurale" consiste en un seuil minimal de 1% des surfaces urbanisées, limité aux communes peu denses à très peu denses, couvertes par un document d’urbanisme ou une carte communale. "Un hectare pour tous, cela me pose un problème : je n'ai jamais pensé que la justice résidait dans le fait de donner la même chose à tout le monde. Des communes avec quelques habitants seraient traitées comme celles de 2.000 habitants", a souligné Christophe Béchu.
"Il y a en gros 3,5 millions d'hectares urbanisés : 1% représente donc 35 000 hectares, a développé le ministre. Si on se base sur le nombre de communes concernées, on arrive à 35.500 hectares. Si la garantie rurale est réservée aux communes peu denses et très peu denses - soit la grille de l'AMRF -, ce chiffre tombe à 22.000." "On reproche au droit à l'hectare de consommer beaucoup trop d'espace. C'est une garantie qui n'incite pas à consommer, mais qui, en préservant le potentiel à construire", rassure les élus, a répondu Jean-Baptiste Blanc. Pour le rapporteur du texte, "les critères du 1%, en se basant sur la surface urbanisée, encouragent les gros consommateurs d'hier." "En outre, a-t-il ajouté, il n'y a pas de données fiables sur cette surface. On entend, de plus, une petite musique selon laquelle ce droit serait basé sur l'intercommunalité. Ce n'est pas notre approche, qui est communale. Enfin, un hectare, cela ne veut pas dire que 35.000 hectares seront consommés. D'abord, plus de 19.000 communes disposent déjà d'un hectare sur la première décennie et n'auront pas de surcroît. Au total, seuls 9.200 hectares sont ajoutés à l'enveloppe théorique : c'est l'épaisseur du trait ! Ainsi, réserver 7% de l'artificialisation à 43% des communes permet que tout se fasse avec la ruralité, et non sur son dos."
À ce même article 7, Cédric Vial (LR - Savoie) a obtenu une majoration plafonnée de 0,5 hectare par commune au bénéfice des communes nouvelles "Il faut préserver le dynamisme des communes nouvelles", a -t-il justifié. L'idée est d'ajouter un demi-hectare par commune déléguée, dans un plafond de deux hectares, "pour éviter une trop grande artificialisation". "L'AMF estime que si toutes les communes nouvelles étaient concernées, cela représenterait 800 hectares, mais que si seules les communes nouvelles rurales l'étaient, l'effort serait de 400 à 500 hectares", a indiqué le sénateur.

Bâtiments agricoles exclus des surfaces artificialisées

À l'article 9, qui vise à mieux protéger les espaces verts et la nature en ville, tout en facilitant la densification des espaces déjà urbanisés, l'amendement du gouvernement visant à ce que les surfaces de parcs et de jardins publics soient considérées comme non artificialisés a été rejeté, dans l'attente d'un nouveau décret sur la nomenclature. Les sénateurs ont par contre adopté un amendement de Jean-François Longeot (Doubs-Union centriste) pour qualifier les friches comme des surfaces artificialisées. Bernard Delcros (Cantal- Union centriste) a obtenu que les surfaces agricoles couvertes par une végétation herbacée soient considérées comme non artificialisées.
Trois amendements identiques de Bernard Delcros, Jean-Claude Anglars (LR - Aveyron) et Angèle Préville (Lot - Socialiste, écologiste et républicain) ont en outre exclu les bâtiments agricoles et leurs abords des surfaces artificialisées.
À l'article 10, portant sur la prise en compte de l'impact du recul du trait de côte, le ministre a défendu sans succès un amendement proposant un "droit immédiat à urbaniser les surfaces qui seront mangées par la mer, sur la base d'une prévision de trente ans".
À l'article 11, un amendement de Daphné Ract-Madoux (Essonne-Union centriste) permet aux collectivités d'utiliser les données d'observation foncière recueillies au niveau départemental. La sénatrice de l'Essonne est aussi à l'origine d'un amendement à l'article 12, pour que le droit de préemption "ZAN" puisse être instauré par délibération plutôt que par modification du document d'urbanisme. Martine Berthet (Savoie - LR) a pour sa part défendu un amendement restreignant la possibilité de refuser l'octroi d'une autorisation d'urbanisme à un projet à impact d'artificialisation significatif aux seuls cas où cet impact n'est pas compensé par une renaturation.
À l'article 12 bis, qui prévoit d’imputer sur la période 2011-2021 l’artificialisation résultant de projets décidés avant l’adoption de la loi Climat et Résilience, mais dont la réalisation a été différée, trois amendements identiques de Laurent Burgoa (Gard - LR), Michel Canévet (Finistère - Union centriste) et Sylviane Noël (Haute-Savoie-LR) viennent y ajouter des projets dont la demande d'autorisation a été déposée avant la loi Climat et Résilience.

Demande de rapports sur l'ingénierie publique territoriale

À l'article 13, qui vise à prendre en compte les efforts de renaturation des collectivités territoriales dès 2021, Philippe Tabarot (Alpes-Maritimes - LR) a défendu un assouplissement des conditions de restitution des surfaces artificialisées temporairement pour travaux. Deux amendements ont en outre été adoptés après l'article 13. Sonia de La Provôté (Calvados - Union centriste) a demandé un "rapport relatif au renforcement des outils d’ingénierie publique territoriale nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette" et Guylène Pantel (Lozère - Rassemblement démocratique et social européen) un rapport "étudiant les moyens en termes d’ingénierie envisagés au profit des collectivités territoriales".
Le texte doit encore être soumis à l'Assemblée nationale, où des députés Renaissance avaient présenté mi-février leur propre proposition de loi pour un meilleur accompagnement des élus locaux. Même si le gouvernement a déclenché la procédure accélérée sur la proposition de loi du Sénat, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s'est montré sceptique sur la possibilité de parvenir à un accord entre députés et sénateurs, estimant que les dispositions adoptées par la chambre haute ouvraient "trop largement la porte" à l'artificialisation.

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